(jora) « Au cœur à corps. »

ça fait des jours, huit précisément, que t'es là à guetter l'évolution d'une trace violacée dans l'espoir qu'elle s'estompe plus rapidement que les autres. T'as l'habitude toi, d'être parsemé d'hématomes. De jolis bleus qui passent parfois inaperçus aux regards des autres. Pourtant, cette fois-ci, il n'était aucunement possible de passer outre cette marque. Une tâche noire sur le visage, si visible, que t'as même laissé Janis t'initier au fond de teint pour dissimuler ce désastre. Non pas par manque d'esthétisme, ça, tu t'en moque. C'était plutôt l'unique manière de ne pas subir un questionnaire entre les pauses. C'est passé crème, ou presque. Parce qu'à cause de cette foutue marque, t'as raté trois repas de famille. A croire que le destin s'est acharné sur toi durant cette dernière semaine. Alors t'as trouvé des excuses, de petites futilités pour éviter de les inquiéter. Janis a tenu sa langue, et toi, t'as subis les foudres de Jura. Alors, tes là. En bas de chez elle à vérifier dans le rétroviseur un petit bout de ton visage. La marque est partie et il est grand temps pour toi d'arranger tout ça. Vous avez beau être jumeaux, Jura ne peut s'empêcher de faire une crise  à la moindre petite absence à un rendez-vous familial. Alors trois, t'es au bord de l'apocalypse. T'inspires, et peut-être même qu'au fond, une part de toi s'est mise à prier intérieurement dans l'espoir qu'elle n'ait pas compris ta foutue supercherie de ces derniers-jours. Un peu d'espoir, son repas préféré entre les mains, et ton index qui enclenche la sonnette.

trois minutes qui s'écoulent,
trois minutes , et des nerfs à vif
trois minutes symboliques,
histoire d'enfoncer le couteau dans la plaie.

Elle le fait exprès, c'est un fait. « une minute de plus, et je pars savourer ton repas préféré avec Janis. » , t'agite machinalement le paquet et t'esquisse ton petit sourire en coin. Elle veut jouer, tu peux jouer.